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8 août 2020 6 08 /08 /août /2020 14:22
Une fille de passage

Je ne m’y attendais pas. Autant le dire de suite, je m’attendais à un livre léger ou geignant ou je ne sais quoi d’autre. Mais pas à une telle lecture. Pas à une telle densité

 

J’ai été pénétrée à la fois par l’histoire, le style, les personnages, le rythme, au point d’en rester essoufflée et avec tant de pensées se bousculant en même temps qu’il m’est difficile d’en définir la nature même 

 

Une fille de passage est une auto-fiction. Qui parle d’un des maitres de l’autofiction, l’inventeur de ce mot, Serge Doubrovsky. Sorte d’inception de l’auto-fiction, donc. Cécile Balavoine rejoint en cela d’illustres noms comme Annie Ernaux, Jean-Paul Dubois, Philippe Jaenada (tiens donc, il y avait longtemps) ou encore Marcel Proust. Je convoque volontairement ces noms car le livre entre en écho avec ceux-ci, s’en nourrit, nous transporte dans les mêmes aventures intérieures dont on ne sait comment on reviendra mais dont on sait que l’on ressortira changé.e 

 

Une fille de passage est une œuvre sur les sentiments. Ceux de la narratrice mais aussi en miroir ceux d’un Serge Doubrovsky vieillissant, refusant de se plier au temps qui passe. Elle est entrée en écho avec Un homme de Philip Roth en l’enrichissant de sa propre musicalité, d’une fille de nos jours, de mon âge, dont je suis le parcours en parallèle du mien, les embranchements que ses choix de vie lui font emprunter. Beaucoup de ses choix suivent une logique qui lui est propre, construite à partir de son désir d’indépendance et de ses peurs. Etre une femme libre comporte un prix souvent cher payé 

 

Une fille de passage creuse les sillons de notre Histoire commune, faite d’évènements marquants, heureux ou traumatisants, qui sont autant de balises partagées, de repères face à l’oubli. La page 148 à propos d’un de ces évènements du siècle dont tout le monde se souvient est une merveille d’humour et d’absurdité élevés en rempart face à l’horreur 

 

Une fille de passage est un livre des lieux, des villes que nous habitons un temps et que nous emportons avec nous, qui laissent leur trace indélébile dans notre mémoire, parfois de manière encore plus incisive qu’une personne, un parfum, une conversation car elles sont tout ceci à la fois

 

Une fille de passage parle d’Allemagne et de judaïté, réconcilie au travers de la langue et de la mémoire ces deux univers qui fondent mon histoire personnelle. La revanche par la mémoire et la transmission pour certaines des femmes qui croisent le chemin de Cécile Balavoine, la revanche par la gloire pour Serge Doubrovsky à Munich en 1985

 

Une fille de passage est tout ceci à la fois et bien plus. Roman complexe sur le désir, le temps qui passe, la féminité, le désir d’amour, le désir d’être aimé

 

Le livre se termine en lançant les premières mesures d’une autre partition, le morceau suivant dans cette symphonie de la vie d’une fille, dont j’attends avec impatience le nouveau passage 

 

Une fille de passage 

Cécile Balavoine 

Mercures de France

 

 

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